Qu’est-ce que la maltraitance ?

Aborder la notion de maltraitance chez la personne âgée renvoie spontanément à la brutalité physique telle qu’elle est souvent évoquée dans les médias. Cette approche de la maltraitance est réductrice et forcément simpliste. Premièrement, la plupart des intervenants évoquant ce sujet ne sont que des passeurs de témoignages réducteurs et il est essentiel d’examiner cette notion.

La maltraitance auprès de la personne vieillissante

Tout d’abord, la maltraitance a plusieurs visages et les qualifier est important. La personne âgée est une personne vulnérable. Différencier celle faite intentionnelle de celle faite par inadvertance définit grandement le caractère subversif de l’intention. Ou encore, celle de nuire ou celle de la négligence par épuisement ou par défaut de compétences. Il est donc essentiel d’appréhender le caractère des mauvais traitements sous tous ses angles.

Les différents aspects

La maltraitance psychologique se traduit par une dévalorisation de la personne au moyen d’insultes, de menaces ou d’humiliation; le harcèlement fait partie des pratiques envers la personne âgée dépendante. En outre, l’individu qui vit l’incontinence le perçoit souvent comme une dégradation de son corps. Ne pas entendre sa gêne et son inconfort quand elle doit être changée relève de la maltraitance. De même forcer un vieux monsieur à prendre une douche quotidienne relève aussi de la maltraitance.

La maltraitance physique est celle dont on prend le plus rapidement conscience. La brutalité des soins ou la systématisation des contentions sont des actes qualifiés de maltraitance. Madame X, atteinte de la maladie d’Alzheimer, chute dans les escaliers de la maison de retraite médicalisée où elle vit, se casse le col du fémur et le poignet.
Ses héritiers accusent la maison de retraite médicalisée, d’un défaut de surveillance.

Personne âgé qui se tien la nuque par douleur.

La loi « impose à l’établissement une obligation de sécurité », mais pas « une obligation de résultat qui serait inconciliable avec le respect de la liberté d’aller et de venir qui est posé parallèlement ». La notion de maltraitance est complexe car empêcher un individu de se mettre en danger implique souvent de le contraindre ; les uns vont privilégier l’aspect sécuritaire et les autres, l’intégrité de la personne… C’est en ayant connaissance de la complexité des situations rencontrées qu’on peut appréhender au mieux la maltraitance quand on est dans le cas de maltraitance considérée non intentionnelle. Pour terminer sur cet aspect de la maltraitance, des personnes âgées peuvent subir des coups à domicile au passage des aides à domicile, dans les établissements ou par les proches. La maltraitance au sein du foyer existe aussi. Voilà quelques années, une aidante désespérée et exaspérée portait des coups à son époux et elle fut jugée pour ses actes. Heureusement la brutalité physique intentionnelle reste isolée qui que soit l’auteur de ces actes délibérés.

La maltraitance médicale prend la forme d’excès ou de privation de médicaments. Tels que les sédatifs, d’un manque de soins ou de son caractère inadéquat. Ainsi, nombre de maisons de retraite font appel aux méthodes dites douces pour éviter la sur-médication dans le cas des résidents souffrant de troubles du comportement type Alzheimer : médiation animale, art-thérapie, méthode Snoezelen…

Quand maltraitance rime avec malhonnêteté

La maltraitance financière est associée systématiquement aux mauvaises intentions. Par ailleurs, nombre d’escroqueries ont pour victimes, les personnes âgées. Elles sont considérées comme des populations fragiles et ce n’est pas sans raison. L’isolement des seniors a domicile incite les gens peu scrupuleux à les amadouer à des fins commerciales. Par ailleurs, quand l’abus de faiblesse est avéré, la loi dit que le consommateur n’était pas en mesure d’apprécier la portée de ses engagements, de déceler la ruse ou de résister à la contrainte du professionnel. De même, la famille peut également ne pas avoir de bonnes intentions et cherche à avoir la main mise sur les ressources de son aînée, en lui volant régulièrement des sommes d’argent ou en incitant à des procurations abusives. 

En outre, la maltraitance civique prend la forme d’une limitation des contacts avec l’extérieur. La personne dite de confiance peut se comporter comme telle en apparence et agir sous cape, en escroquant la personne âgée sensibilisée par cet isolement stratégique. De même, des demandes de mise sous tutelle sont abusives et intentionnelles à des fins de malversations financières. L’argent reste le fil conducteur de ces formes de maltraitance.

Zoom sur la main d'un personne âgé dans un fauteuil en noir et blanc qui a probablement subi de la maltraitance.

La qualification de maltraitance n’est pas si évidente

Après avoir défini au mieux les situations de maltraitance, on se rend compte que la maltraitance délibérée est clairement évidente mais celle qui est subie par inattention, mégarde…nettement moins !

En visitant les structures dans l’exercice de mes fonctions au sein de Papyhappy, j’ai rencontré une directrice de maison de retraite, particulièrement attentive et aguerrie aux notions de maltraitance. Rencontrer cette professionnelle, au-delà de ses compétences, a marqué mon approche sur le sujet et modifié mon regard professionnel et personnel. En effet, les avis tranchés sont faciles quand les abus sont identifiés comme condamnables mais qu’en est-il de ces situations où l’on contraint la personne âgée à se maintenir quand l’envie n’y est plus…

Il existe aussi la maltraitance « du vouloir bien faire » en omettant les désirs profonds de la personne âgée. Après avoir recueilli les propos d’une infirmière libérale en lien direct avec cette problématique, cette dernière me signifiait l’importance de prendre conscience de la « bientraitance maltraitante » à travers deux moments de vie partagés : vouloir nourrir au sens propre, une personne qui n’arrive plus à déglutir au nom du lien social ou bien encore, vouloir mettre une personne en institution pour sa sécurité alors qu’elle veut rester à domicile sont des actes de maltraitance bienveillante.

Un autre aspect de maltraitance non reconnue en France est le droit de choisir sa fin de vie mais il est une réalité bien cachée que nombre de nos seniors ne supportent plus leur solitude, leur dépendance et aimeraient pouvoir s’en aller doucement car ils ont fait leur temps comme ils disent. Seulement la loi ne le permet pas. Il est donc légitime de s’interroger sur ce que revêt le terme de maltraitance, le sujet est sensible et délicat d’autant que le fait de vouloir partir peut être le reflet d’un moment de « spleen » passager. Les institutions et les soignants vont devoir trancher cette question délicate qu’est la maltraitance. La réflexion est donc sans fin.

Rédaction : Véronique J